Audiovisuel : le gouvernement veut plus de pubs sur France télé

La proposition de loi de réforme pour l’audiovisuel sera débattue à l’Assemblée nationale les 23 et 24 mai 2024, puis passera en deuxième lecture au Sénat vers la mi-juin. Celle-ci vise à fusionner France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA dès janvier 2026. Mais un amendement est passé plutôt inaperçu : celui-ci vise à déplafonner les recettes publicitaires du service public, de quoi provoquer l’ire du secteur privé.

Axelle Ker
Par Axelle Ker Publié le 14 mai 2024 à 10h00
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Audiovisuel : le gouvernement veut plus de pubs sur France télé - © Economie Matin
42 millions d'euros Le plafond des recettes publicitaires pour le service audiovisuel public est fixé à 42 millions d'euros.

Un amendement pour faire sauter le plafond des recettes publicitaires de l'audiovisuel public

Selon le contrat d'objectifs et de moyens (COM) signé entre France Télévisions, Radio France et l'État, le plafond annuel des recettes publicitaires est fixé à 42 millions d'euros. Une somme déjà conséquente, et qui financée en partie par les contribuables - le budget accordé par l'État à l'audiovisuel public a été augmenté de +6% en 2024 par rapport à 2023, pour atteindre 4,025 milliards d'euros. Pour assurer une certaine équité entre le service public et privé, France Télévisions doit respecter un quota strict de minutes publicitaires par tranche horaire, avec une interdiction totale après 20 heures, sauf pour les parrainages. Mais semble ne semble pour autant pas être suffisant pour le gouvernement.

Dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel public et de la souveraineté audiovisuelle, initiée en 2020, et relancée par la ministre de la Culture Rachida Dati, un amendement vise à changer les règles du jeu au profit de Radio France et France Télévisions. Le texte, qui doit être discuté à l'Assemblée nationale les 23 et 24 mai 2024, puis passer en deuxième lecture au Sénat à la mi-juin, propose de déplafonner les recettes publicitaires du service audiovisuel public. En clair, cela ouvrirait le service public aux publicités après 20 heures, la plage horaire qui est jusqu'à présent « réservée » au secteur privé.

Quentin Bataillon, député de Renaissance et membre de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, défend bec et ongles cette réforme arguant qu'« il est difficile de porter la limitation des recettes publicitaires de l'audiovisuel public et en même temps son indépendance ». A contrario, le sénateur Laurent Lafon (Union centriste), président de la commission de la Culture, de l'Éducation et de la Communication du Sénat, tire la sonnette d'alarme en insistant sur la nécessité de maintenir une distinction claire entre financement public et recettes commerciales : « Les recettes publicitaires de Radio France et France Télévisions ne doivent pas augmenter. C'est une ligne rouge à ne pas franchir. »

Une levée de boucliers du côté du secteur privé

La réaction du secteur privé ne s'est pas fait attendre. Les grands dirigeants de l'audiovisuel privé, tels que le groupe M6 (RTL, RTL2, Fun Radio), Altice Media (BFM Business, RMC), NRJ et le groupe Lagardère-Vivendi (Europe 1, Europe 2, RFM), voient dans cette proposition de loi un énième cadeau accordé au service public qui entérinerait définitivement une concurrence déloyale.

En 2022, Radio France a engrangé 64 millions d'euros de recettes publicitaires :  41 millions provenaient des publicités et des parrainages, 16 millions des publicités digitales, et 7 millions des messages d'intérêt général. En d'autres termes, le plafond accordé par le COM de 42 millions d'euros est déjà dépassé, les publicités digitales n'étant pas comptabilisées dans ce dernier. « Le budget des 7 stations de Radio France équivaut à celui de l'ensemble des autres radios privées. Il y a donc un déséquilibre dans la concurrence », déplore David Larramendy, président du directoire du groupe M6.

Les inquiétudes du secteur de l'audiovisuel privé sont claires : ce déplafonnement pourrait pousser les radios privées, déjà fragiles après des restructurations économiques, au bord du gouffre. « Ils ont perdu la tête au gouvernement ! Au lieu de demander aux dirigeants de Radio France de se serrer la ceinture, ils vont piller les recettes des radios privées, déjà en difficulté. C'est du grand n'importe quoi ! », s'indigne un dirigeant de radio qui a souhaité garder l'anonymat auprès de nos confrères du Point.

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Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.

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