Le printemps éloigne le spectre de la récession au Royaume-Uni

Malgré la vigueur de l’inflation, les taux directeurs britanniques semblent proches de leur point culminant et l’économie devrait éviter une récession cette année. Les responsables politiques sont confrontés à d’importants défis en ce qui concerne l’amélioration du niveau de vie, la productivité et le retour à l’emploi. Mais une embellie des perspectives semble se dessiner.

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Par Stéphane Monier Publié le 29 mars 2023 à 5h52
Royaume Uni Economie Crise 2023 2024
10,4%L'inflation au Royaume-Uni a atteint 10,4% sur un an en février 2023.

Les perspectives économiques du Royaume-Uni s'améliorent. Le 22 mars, le gouverneur de la Banque d'Angleterre (BoE), Andrew Bailey, s'est dit « plus optimiste », même après que la Banque a relevé ses taux directeurs à 4,25%, leur plus haut niveau depuis quatorze ans. À mi-mars, les prévisions actualisées du Bureau pour la responsabilité budgétaire (OBR), un organisme indépendant, ont indiqué que la croissance britannique se contracterait de -0,2% seulement cette année (0% selon nos estimations), contre -1,4% en novembre. Cela signifie qu'il n'y aura pas de récession « technique », définie comme un recul de la croissance pendant deux trimestres consécutifs. L'OBR prévoit désormais que l'inflation tombera à 2,9% d'ici la fin de l'année. Le Bureau s’attend aussi à ce que le chancelier Jeremy Hunt respecte de justesse sa propre « règle » budgétaire, consistant à réduire la dette nette en pourcentage du PIB sur cinq ans.

Le « mini-budget » de septembre 2022 s'est avéré désastreux tant sur le plan politique que pour la confiance des marchés envers le Royaume-Uni, avec une déroute de la livre sterling et des prix des obligations souveraines. En revanche, le budget de printemps présenté le 15 mars 2023, et qui trace les grandes lignes de la stratégie économique, a été accueilli avec sérénité. Les bonnes nouvelles portant sur la croissance et l'inflation découlent majoritairement de facteurs indépendants de la volonté du Royaume-Uni, dont le principal est la chute des coûts de l'énergie. La baisse des prix du gaz et du pétrole réduit le montant de l'aide prolongée du gouvernement allouée aux factures énergétiques des ménages, tandis que la chute des rendements obligataires au cours de ces derniers mois a allégé le montant du paiement des intérêts par le Trésor. Par ailleurs, le relèvement des prévisions de croissance à long terme de l'OBR (1,8% en 2024, 2,5% en 2025) résulte de l’augmentation de l'offre de main-d'œuvre, essentiellement due à un accroissement de l'immigration nette.

Des mesures favorables à la croissance

L'amélioration des chiffres de croissance et d'inflation a permis au chancelier d'annoncer des réductions d'impôts et une augmentation des dépenses ciblées pour favoriser la croissance. Les projets visant à stimuler la participation au marché de l’emploi comprennent l'extension d'un programme de 30 heures par semaine de frais de garde pour les enfants de trois ans et moins, financé par le gouvernement. L'OBR estime que cette mesure pourrait permettre à 75 000 personnes supplémentaires d’occuper un emploi rémunéré. L'accent a également été mis sur l'encouragement des retraités et des bénéficiaires du crédit universel à reprendre le travail.

Entre-temps, les plans de relance en faveur de l'investissement prévoient de nouvelles incitations permettant aux grandes entreprises de déduire leurs dépenses en capital de leur facture fiscale. Les montants annuels exonérés d’impôt pour le versement des retraites ont été relevés, et la limite de cotisation à vie avant de devoir payer un impôt supplémentaire a été supprimée. Le gouvernement espère que ces mesures encourageront les travailleurs âgés, principalement dans le secteur de la santé, à poursuivre leur activité. L'augmentation des dépenses de défense et le soutien aux technologies de l'intelligence artificielle devraient également soutenir la croissance.

Stabilité ou stagnation ?

Cependant, ces mesures budgétaires ne sont pour la plupart que des solutions transitoires ou partielles à des problèmes urgents. La pénurie de structures d’accueil pour les enfants n'explique pas à elle seule le nombre élevé de personnes « économiquement inactives » au Royaume-Uni. Quelques 600 000 travailleurs ont été « perdus » dans le sillage de la pandémie, et 2,5 millions de personnes sont sans emploi pour cause de maladie de longue durée. Cependant, le budget contient peu de nouvelles mesures destinées à soutenir le système de santé, où les délais d'attente pour les traitements médicaux et les coupes dans les services de santé mentale pourraient faire échouer les efforts déployés afin que les citoyens retrouvent la santé et se remettent au travail.

Alors qu'il est indispensable de combattre le sous-investissement chronique dans les secteurs public et privé, les nouvelles subventions à l’investissement ne devraient durer que trois ans, avec le risque que les entreprises se contentent de faire avancer leurs projets d'investissement au lieu de les augmenter durablement. Les projets visant à stimuler la productivité économique nécessitent des engagements à long terme, à l’instar de ceux énoncés dans la loi américaine sur la réduction de l'inflation (Inflation Reduction Act ou IRA) ou dans le pacte vert (Green Deal) de l'UE. Un rapport publié en février par un groupe influent d'universitaires, de conseillers politiques et d'anciens responsables politiques avait suggéré des investissements plus audacieux dans la science et la technologie, ainsi qu’une réforme du système de retraite afin d’augmenter les faibles investissements des sociétés cotées et privées britanniques.

Les prévisions de reprise limitée après 2023 indiquent que l'économie britannique manque toujours de dynamisme, tandis que la crise du coût de la vie – à l'origine de nombreux conflits salariaux – poursuit ses ravages. Selon les prévisions de l'OBR, le revenu des ménages corrigé de l'inflation devrait chuter de 6% cette année et l'année prochaine. Quant au niveau de vie, il ne retrouvera pas ses niveaux d’avant la pandémie avant 2027. Entre-temps, la charge fiscale en pourcentage du PIB devrait être la plus élevée depuis la Seconde Guerre mondiale.

Les taux pourraient culminer en mai

Cela dit, la situation semble s’éclaircir en 2023, ce qui améliore le sentiment des consommateurs et des marchés. Les ventes au détail ont continué à croître en février, tandis qu'une enquête clé portant sur la confiance des consommateurs a indiqué une amélioration en mars, même si elle reste en territoire négatif. Les consommateurs gardent certainement à l’esprit les hausses de prix. Cependant, alors que l'indice des prix à la consommation (IPC) a bondi à 10,4% en glissement annuel en février, il devrait reculer rapidement dans les mois à venir grâce à l'aide gouvernementale pour le paiement des factures énergétiques. Ce serait une bonne nouvelle pour la Banque d'Angleterre qui, à la suite de récentes faillites bancaires, garde un œil sur la stabilité financière. Selon l’évolution des pressions sur les prix, nous pensons qu'une hausse additionnelle de 25 points de base à 4,5% en mai pourrait représenter le pic du cycle de hausse des taux directeurs.

Sur le front politique, le Premier ministre britannique Rishi Sunak a fait progresser les relations du pays avec l'UE. Le Royaume-Uni et l'UE ont officiellement adopté un accord visant à résoudre le différend commercial post-Brexit concernant l'Irlande du Nord, même si le Parti unioniste démocratique d'Irlande du Nord continue à s'y opposer. Les relations se normalisent également avec la France, où une récente rencontre entre le Premier ministre et le président Emmanuel Macron a signé le premier sommet bilatéral depuis cinq ans entre les dirigeants des deux pays, qui ont convenu d'un nouveau cadre pour gérer le flux des migrants sans papiers qui traversent la Manche.

Reflétant l'amélioration des perspectives politiques et de croissance, la livre sterling s'est appréciée par rapport au dollar américain et à l'euro au cours du mois dernier. Cependant, à un horizon de douze mois, nous nous attendons à ce qu’elle perde du terrain, compte tenu de l'amélioration des rendements réels disponibles ailleurs et de la sous-performance historique de la devise en période de stress financier. Nous pensons que la paire EUR/GBP pourrait atteindre 0,92 durant les douze prochains mois. Les obligations d'État britanniques à dix ans affichent actuellement un rendement de quelque 3,36%, en baisse par rapport aux sommets de 4,47% atteints après le mini-budget de l'automne. Dans le même temps, la valorisation de l'indice britannique FTSE 100 semble attractive. Toutefois, les inquiétudes concernant la santé du secteur financier pourraient continuer à peser sur les marchés boursiers en général – et sur l'indice britannique à forte composante bancaire en particulier. C'est pourquoi nous conservons une exposition neutre aux actions et maintenons une approche équilibrée en matière de risque dans les portefeuilles de nos clients.

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Stéphane Monier est Chief investment officer chez Lombard Odier.

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