Santé : L’obésité pourrait aussi affecter le cerveau

On soupçonne les repas riches en calories et peu nutritifs d’avoir un impact sur la prise de décision et de provoquer une spirale de surpoids.

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Par Horizon Publié le 29 mars 2024 à 4h30
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54%63 % des hommes et 54 % des femmes sont en surpoids ou obèses dans la zone Europe de l'OMS

Esther Aarts adresse un avertissement aux amateurs de fast-food du monde entier: ce type d’alimentation ne fait pas qu’augmenter le tour de taille, elle provoque aussi une inflammation du cerveau.

Professeure de neurosciences nutritionnelles à l’Université Radboud aux Pays-Bas, Mme Aarts qualifie de «spirale de l’obésité» ce double effet qui enferme les consommateurs dans des habitudes alimentaires malsaines.

C’est aussi dans la tête

Elle dirige un projet de recherche financé par l’UE qui a pour objectif d’examiner l’impact de l’alimentation sur la prise de décision. 

«Les aliments que nous choisissons ont un effet sur notre corps et sur notre cerveau», explique-t-elle. «C’est le début d’une spirale de l'obésité: ce que nous mangeons peut affecter notre système immunitaire, ce qui peut alors avoir des répercussions au niveau cérébral.» 

Son projet intitulé OBESITY_SPIRAL s'étend sur cinq ans et s’achèvera en octobre 2025. L'hypothèse est que les personnes qui souffrent d’une inflammation cérébrale due à la consommation d’aliments de type «restauration rapide», tels que hamburgers, frites et boissons gazeuses ont moins d'énergie pour préparer ou chercher à se procurer d'autres plats.

«De nombreuses preuves montrent que si l’on souffre d’une inflammation du cerveau, on a envie de rien faire, on n’a pas envie de fournir d’efforts» a expliqué Mme Aarts. 

L’obésité est un phénomène qui augmente rapidement dans l’UE, qui n'est devancée par les États-Unis qu’au niveau de la proportion de la population cliniquement obèse ou en surpoids.

D’après un rapport publié en 2022 par l'Organisation mondiale de la santé, en Europe, près de 60 % des adultes et un enfant sur trois sont en surpoids. 

Face à ce problème, l’UE a décidé de faire figurer une alimentation plus saine dans ses priorités politiques, notamment grâce à une série d'initiatives de recherche regroupées dans un cadre intitulé Food 2030

Quand les calories nous font craquer

La restauration rapide, qui comprend aussi généralement pizzas, sandwichs, muffins et milkshakes, est généralement riche en sucres raffinés et en mauvaises graisses et pauvre en vitamines, en minéraux et en fibres.

«Ces aliments contiennent beaucoup de calories mais sont pauvres en nutriments», a déclaré Mme Aarts. « Avec ce type de nourriture, vous pouvez ingurgiter en un seul repas toutes les calories dont vous avez besoin pour la journée et avoir faim une heure plus tard.»

Les personnes qui consomment ce type d’aliments en grande quantité sont plus susceptibles de souffrir d’une d’inflammation chronique, qui atteint aussi le cerveau, en raison de l’augmentation du tissu adipeux au niveau du ventre. Cela peut entraîner des changements dans les processus dopaminergiques, à origine des sentiments de plaisir, de satisfaction et de motivation. 

«En cas d'obésité, vous avez 50 % de chances de souffrir d’une inflammation légère», a ajouté Mme Aarts. «Cette inflammation peut consommer 30 % de votre énergie, donc vous avez simplement moins d’énergie à consacrer à d’autres choses.»

Elle a commencé à s’intéresser à la façon dont la nourriture affecte le cerveau après son doctorat, à l'Université de Californie, aux États-Unis, entre 2010 et 2012.

L’obésité croissante aux États-Unis et dans certaines régions d'Europe l’a incitée à se concentrer sur la façon dont les gens perçoivent la nourriture comme une récompense. Elle a aussi étudié comment les régimes alimentaires peuvent entraîner une modification du processus de prise de décision qui renforce les mauvaises habitudes alimentaires.

Un lien avec la paresse? 

Le projet OBESITY_SPIRAL se concentre sur les liens entre ce que les gens mangent, l'effet sur le système immunitaire et l'impact sur la prise de décision.

L’équipe procède à des scanners cérébraux et à des mesures biologiques pour observer ce qui se passe dans le cerveau lorsque les gens prennent des décisions concernant leur alimentation, et l’impact que cela a sur leur corps. 

«Nous voulons simplement voir les liens avec l'inflammation et comprendre comment le système dopaminergique est impliqué», a déclaré Mme Aarts.

Elle soupçonne l’inflammation corporelle résultant d’une mauvaise alimentation d’amener les individus à faire moins d’efforts lorsqu’ils choisissent leur nourriture. 

Ainsi, par exemple, au lieu de faire l’effort de faire les courses et de préparer un repas, ils iraient au plus rapide et au plus simple, choisissant alors l’option la plus calorique et la moins riche en nutriments. Ceci entraîne alors une augmentation de la graisse corporelle et une inflammation. 

«Les gens pensent parfois que l'obésité est due à la paresse et je veux vraiment déterminer s'il y a ou non une raison biologique derrière la décision de ne pas faire d'effort», a déclaré Mme Aarts. «Alors peut-être pourrons-nous trouver des solutions à ce problème.»

Coûts pour la société

Du fait qu’elle augmente considérablement le risque de maladies chroniques, notamment le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et certains types de cancer, l’obésité a un coût important pour la société tout entière. 

Mme Aarts indique aussi que l’on doit être conscient des risques induits par l’obésité sur le plan de la santé mentale.

«Elle est aussi liée à la dépression», a-t-elle déclaré. «Et elle est liée à la maladie d'Alzheimer plus tard au cours de la vie.» 

Compte tenu des tendances actuelles, en 2035, le surpoids et l'obésité pourraient coûter à l'économie mondiale plus de 3 700 milliards d'euros de revenus potentiels, soit près de 3 % du produit intérieur brut mondial, selon un rapport 2023.

Étude des cellules

Les liens entre alimentation, inflammation et santé intéressent également le professeur Nicola Gagliani du Centre médical universitaire de Hambourg-Eppendorf (UKE), en Allemagne. 

M. Gagliani est un expert des lymphocytes T, l’une des deux cellules principales du système immunitaire. Les autres sont les cellules B. 

Les cellules B produisent des anticorps qui attaquent les bactéries envahissantes, les virus et les toxines. Les lymphocytes T protègent l’organisme d’une autre manière: en détruisant les cellules qui ont elles-mêmes été infectées par des virus ou qui sont devenues cancéreuses. 

M. Gagliani a dirigé une étude financée par l'UE sur l'impact de l'alimentation sur l'activité des cellules T. Intitulé Diet-namic, le projet s'est déroulé de décembre 2016 à novembre 2022.

«Je me suis intéressé à l'alimentation, car manger est quelque chose que nous faisons tous les jours, plusieurs fois par jour», a déclaré M. Gagliani. «Je voulais voir à quelle vitesse l’ingestion d’aliments affecte les cellules T.»

L’équipe de Diet-namic savait déjà que le microbiote intestinal était étroitement lié aux cellules T et, en particulier, à la réponse immunitaire. 

M. Gagliani était curieux de savoir si une modification des habitudes alimentaires pourraient également altérer le microbiote et donc le système immunitaire. 

Des choix lourds de conséquences

«Ce qui n'était pas clair, c'était la rapidité du lien entre ce que l’on mange et la façon dont le système immunitaire y réagit», a-t-il déclaré. «Les lymphocytes T sont le chef d’orchestre de la réponse immunitaire. Ils décodent l’environnement et indiquent au système immunitaire la réaction à avoir.»

Grâce à des études sur les souris et à une étude réalisée sur six volontaires humains, les chercheurs ont découvert qu'en effet, le système immunitaire change rapidement et de manière significative en réponse aux modifications du régime alimentaire. 

«Dans les études sur les souris, nous montrons que dès que l'on passe d'une alimentation saine à une mauvaise alimentation, les cellules T sont altérées et le risque d'infection augmente», a déclaré M. Gagliani.

Dans cette étude, le régime alimentaire sain était riche en fibres, qui sont métabolisées par le microbiote en acides gras à chaîne courte. Ceux-ci sont essentiels au fonctionnement des lymphocytes T. 

Une deuxième étude s’est concentrée sur le cas de patients atteints d’un cancer du pancréas et a surveillé la relation entre ce cancer et leur microbiote intestinal. 

Certaines combinaisons de microbes présents dans l’intestin produisent un métabolite du tryptophane qui renforce l’efficacité de la chimiothérapie. Le tryptophane est un acide aminé essentiel qui ne peut être obtenu que par l’alimentation. 

Ceci confirme le lien entre l’alimentation et le système immunitaire et indique que les choix alimentaires peuvent entraîner des changements rapides dans la santé des individus. Ceci suggère également que des conseils diététiques pourraient être adressés aux patients dans le cadre de traitements médicaux. 

«Cette étude laisse supposer que ce que l’on mange est important», a déclaré M. Gagliani. «Et que l’effet de l’alimentation ne se ressent pas seulement au bout de plusieurs années. Il est probable que chacun de vos choix alimentaires ait un impact.»

Les recherches présentées dans le cadre de cet article ont été financées par le Programme Horizon de l’UE, par le biais du Conseil européen de l’innovation (CEI). Les opinions des personnes interrogées ne reflètent pas nécessairement celles de la Commission européenne.

Plus d’infos

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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1 commentaire on «Santé : L’obésité pourrait aussi affecter le cerveau»

  • Et l’obésité du cerveau chez les prétendu HPI, ça n’affecte rien ?

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