La France s’apprête à franchir un cap inédit dans la prévention de la grippe. Les députés ont en effet validé, en commission, une mesure rendant la vaccination obligatoire pour les résidents des EHPAD et pour une partie du personnel soignant. Une décision qui marque un tournant dans la politique vaccinale du pays et qui suscite déjà de nombreux débats dans le monde de la santé.
Ehpad : Le vaccin contre la grippe obligatoire pour tous

Grippe : une vaccination sur la base du volontariat, ça n'a pas l'air de marcher !
Le texte voté en commission prévoit que les pensionnaires des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ainsi que « certains personnels soignants », devront désormais être vaccinés contre la grippe. L’objectif est clair : mieux protéger les publics les plus vulnérables face à une infection saisonnière qui, chaque année, provoque plusieurs milliers d’hospitalisations et de décès. La mesure vise à réduire la transmission du virus dans des lieux où les contacts rapprochés sont quotidiens et où les complications sont particulièrement fréquentes.
Jusqu’à présent, la vaccination contre la grippe reposait essentiellement sur le volontariat. Si la couverture vaccinale atteignait environ 60% chez les plus de 65 ans, elle restait bien plus faible chez les soignants. Plusieurs campagnes d’incitation avaient été menées sans effet durable. Désormais, le gouvernement entend imposer un cadre plus contraignant, à l’image de ce qui existe déjà pour d’autres maladies dans le milieu hospitalier. En pratique, les directeurs d’établissements devront s’assurer que les résidents et les personnels concernés sont bien vaccinés avant chaque hiver. Cette évolution s’inscrit dans une logique de protection collective. Il faut savoir que la France fait partie des rares pays européens à ne pas avoir encore imposé la vaccination antigrippale dans les établissements gériatriques.
Obligation vaccinale en Ehpad : les modalités exactes seront fixées par décret
Le texte adopté en commission ne fixe pas encore de calendrier précis pour l’entrée en vigueur de cette obligation. Il devrait s’appliquer progressivement, dès la campagne de vaccination 2026-2027. Les modalités exactes – notamment les catégories de personnels concernées, les exceptions médicales et le régime de contrôle – feront l’objet de décrets ultérieurs. Pour les soignants, la mesure ne s’adresserait pas à l’ensemble du personnel hospitalier, mais prioritairement à ceux travaillant au contact direct des personnes âgées ou fragiles. Les parlementaires ont justifié cette restriction par la nécessité de proportionner la contrainte à l’exposition réelle au risque de transmission.
Les débats en commission ont toutefois été vifs. Certains députés de l’opposition ont dénoncé une « dérive coercitive » contraire à la liberté individuelle, tandis que d’autres ont salué une décision « de bon sens » au regard des enjeux de santé publique. Les syndicats du secteur médico-social ont, pour leur part, demandé au gouvernement d’accompagner cette obligation de campagnes pédagogiques et d’un accès facilité au vaccin, afin d’éviter que l’injonction ne se transforme en contrainte mal vécue.
Grippe : seul un soignant sur deux est vacciné
Le ministère de la Santé défend de son côté une approche pragmatique. Les autorités estiment que le rapport bénéfice-risque est largement en faveur de la vaccination, surtout dans un contexte où la grippe continue de provoquer chaque hiver plusieurs milliers de morts parmi les personnes âgées ou immunodéprimées. Pour le gouvernement, la mise en œuvre de cette obligation devrait permettre de réduire considérablement la mortalité dans les Ehpad, mais aussi de limiter les arrêts maladie et les tensions dans les services gériatriques. Cette stratégie s’inscrit dans le prolongement du plan national de prévention des infections respiratoires lancé après la crise du Covid-19.
Dans le détail, la mesure s’appuie sur un constat préoccupant. Malgré les recommandations annuelles de la Haute Autorité de santé, à peine un soignant sur deux se fait vacciner contre la grippe. Ce faible taux de couverture favorise la circulation du virus au sein des établissements et compromet la protection des résidents les plus fragiles. Plusieurs experts rappellent que la grippe tue en moyenne entre 8.000 et 14.000 personnes par an en France, dont la majorité ont plus de 75 ans. En rendant la vaccination obligatoire dans les Ehpad, les députés espèrent inverser cette tendance et éviter la saturation des services hospitaliers durant les pics épidémiques.
Ouvrir un débat plus large sur la place de la vaccination dans la politique de santé publique
Reste que la mise en œuvre concrète soulève encore des questions. Faudra-t-il présenter un justificatif vaccinal à l’entrée des établissements ? Les soignants non vaccinés pourront-ils être suspendus ? Autant d’interrogations auxquelles les décrets d’application devront répondre dans les prochains mois. D’ici là, la mesure poursuivra son parcours législatif. Elle devra être examinée en séance publique à l’Assemblée nationale avant de passer au Sénat. Plusieurs élus espèrent que cette première étape permettra d’ouvrir un débat plus large sur la place de la vaccination dans la politique de santé publique française.
Si l’obligation n’est pas encore en vigueur, le signal politique est fort. En choisissant de légiférer sur la grippe, la France renoue avec une logique de prévention à long terme. Pour la première fois, la protection des résidents d’Ehpad et la responsabilité vaccinale des soignants se trouvent inscrites dans la loi. La France pourrait ainsi rejoindre les pays européens ayant fait de la vaccination antigrippale un pilier de leur politique de santé publique, au même titre que la vaccination contre le Covid-19 ou la rougeole dans certains milieux professionnels.
