ZFE : des obstacles insurmontables pour les territoires ?

Depuis le 1er janvier 2023, 11 métropoles françaises disposent de ZFE (dont le Grand Paris, Lyon, Toulouse ou encore Aix-Marseille), avec un objectif de 43 agglomérations en France métropolitaine à l’horizon 2025.

Olivierkoch
Par Olivier Koch Publié le 11 juillet 2023 à 5h00
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42%42 % des automobilistes les plus modestes se disent prêts à continuer à utiliser leur voiture malgré les interdictions à venir.

Destinés à lutter contre la pollution atmosphérique des villes causée par les véhicules thermiques, ces dispositifs se heurtent pourtant aujourd’hui à des réticences de plus en plus importantes de la part des citoyens. Ces derniers y voient une injustice sociale. Quant aux collectivités, elles doivent à la fois supporter la mise en place et le financement des infrastructures. De plus, les difficultés d’applications se multiplient : dernier exemple en date, faute de moyens techniques pour contrôler et verbaliser, la métropole du Grand Paris a dû une nouvelle fois reporter d’un an la mise en place de la 3ème étape de sa ZFE visant à bannir les véhicules Crit’Air 3.

Pour autant, ces dispositifs connaissent tout de même un certain succès chez nos voisins européens. Quels sont les freins au succès des ZFE en France ? Quelles sont les alternatives pour repenser notre mobilité ?

Un dispositif qui peine toujours à convaincre

Le sénat a lancé mi-avril une consultation par internet autour des ZFE afin de « mieux identifier les difficultés » des particuliers. Dans le même temps, une récente étude exclusive Aramisauto et réalisée par OpinionWay montre que 42 % des automobilistes les plus modestes se disent prêts à continuer à utiliser leur voiture malgré les interdictions à venir.

La principale critique adressée à ces dispositifs repose sur une discrimination à l’égard des catégories sociales les moins aisées, pour lesquelles l’achat d’un véhicule dit plus propre représente une véritable épreuve financière. En plus de se voir exclues des centres-villes, elles seraient également, faute d’alternatives, les premières à en subir les sanctions pécuniaires. Plus généralement, la mise en application des ZFE fait peser la crainte d’une politique de verbalisation supplémentaire au détriment de la pédagogie, le tout dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat et de forte inflation.

De plus, le manque de visibilité sur ces mesures, ainsi que la variation des modalités d’application d’une ville à une autre en termes de critères et de calendriers peuvent également être des facteurs d’incompréhension pour les particuliers. Enfin, la mise en œuvre de ces ZFE nécessiterait vraisemblablement des investissements conséquents en termes d’équipements pour faire respecter l’application des règles de circulation : péage urbain, infrastructures pour la mobilité alternative, bornes de recharge pour les véhicules électriques…

Force est de constater que la mise en place des ZFE a été quelque peu précipitée : derrière l’objectif louable qu’est la réduction des émissions carbone de la mobilité, l’adoption des textes est intervenue sans forcément anticiper leur mise en application réelle qui semble complexe et coûteuse à mettre en œuvre. De plus, l’implication d’un très grand nombre de décideurs aux échelles nationales puis locales ralentissent la prise de décisions. Dans ce contexte, il conviendrait de repenser la mobilité en analysant les exemples de dispositifs qui ont déjà été déployés dans d’autres pays.

Prendre exemple sur l’existant

Chez nos voisins européens, à Londres, par exemple, la ville a déployé sur certains quartiers un péage urbain qui a nécessité des investissements conséquents. Le coût de la dernière extension de la zone en octobre 2021 a été estimé à plus de 120 millions de livres.

En parallèle, d’autres quartiers ont fait le pari d’une approche plus simple et largement moins coûteuse, en s’appuyant sur l’existant. Le principe est simple : le prix du stationnement varie selon la classe polluante du véhicule. Un véhicule très polluant doit donc s’acquitter de frais de stationnement plus élevés qu’un véhicule électrique par exemple. Le paiement se fait par mobile via smartphone, et le contrôle par les agents qui effectuent la surveillance du stationnement règlementé. Aucune infrastructure n’a été déployée, et le dispositif a pu être rapidement mis en place. En moins de trois ans, une baisse de 27% des véhicules très polluants a été enregistrée, un vrai succès.

D’autres initiatives existent en France comme au sein de la ZFE de Toulouse où les parkings relais permettent à l’ensemble des véhicules, quelle que soit leur vignette Crit’Air, de pouvoir se garer aux abords du centre-ville pour y emprunter les transports urbains. L’intermodalité devient ainsi un moyen efficace pour réduire la pression sur le réseau routier, sans faire peser les dépenses telles que l’achat d’un nouveau véhicule sur les citoyens. On peut également citer l’exemple de la mairie de Lyon, qui a récemment annoncé vouloir conditionner le stationnement des véhicules circulant au sein de la ville en fonction, cette fois-ci, de leurs poids, avec des tarifs allant du simple au triple entre une citadine et un SUV. Ce système pourrait être mis en application dès l’année prochaine, et d’autres villes pourraient emboîter le pas à la capitale des Gaules dans l’adoption de ces mesures.

Enfin, la politique mise en place par l’État se doit d’être claire en matière de décarbonation : la France, incitée par l’Europe, fait aujourd’hui le choix d’investir massivement sur l’électrification de son parc automobile, en installant des milliers de bornes de recharge et en subventionnant l’achat de véhicules neufs. Cependant, malgré les économies annoncées sur la consommation de carburant à long terme, le coût d’un changement de véhicule (25 000 € en moyenne pour un véhicule neuf) reste une barrière difficile à franchir pour de nombreux Français.

Il n’est pas risqué de dire que les ZFE, telles que mises en place en France aujourd’hui, doivent faire l’objet d’une réflexion approfondie. La volonté de décarbonation des mobilités portée par les discours politiques se heurte à la réalité de son application, avec des contradictions permanentes entre les ambitions exprimées et les moyens déployés. Les transports thermiques sont aujourd’hui encore la première cause d’émission de carbone dans notre pays, et les voitures individuelles polluent plus que tous les autres modes de transports réunis. Bien que l’électrification puisse être l’une des briques de la transition, l’ensemble des acteurs de la mobilité peut être inclus pour trouver des solutions adaptées à notre contexte national.

Olivierkoch

Managing Director PARK NOW France et Suisse

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