Des ambitions internationales, des tensions, une levée de fonds colossale… Le géant chinois des batteries pour véhicules électriques CATL est une nouvelle fois sous les projecteurs. Et cette fois, c’est la Bourse de Hong Kong qui retient son souffle.
Batteries : CATL se lance en Bourse mais ne veut pas d’actionnaires américains
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Published on 12 mai 2025 7h06
32,9%Le bénéfice net de CATL a grimpé de 32,9% sur un an au premier trimestre 2025.
Lundi 20 mai 2025, le leader mondial des batteries pour véhicules électriques, Contemporary Amperex Technology Co. Limited — mieux connu sous l’acronyme CATL — fera son entrée sur la place boursière de Hong Kong. Une introduction en bourse (IPO, ou initial public offering) qui pourrait atteindre 5,3 milliards de dollars américains, soit environ 4,9 milliards d’euros, selon le prospectus déposé le 12 mai. Ce serait tout simplement la plus grande IPO à Hong Kong depuis celle de Kuaishou en janvier 2021. Et la plus scrutée.
CATL lance une IPO titanesque à Hong Kong : vers une levée record pour les batteries
Fondée en 2011 à Ningde, dans la province chinoise du Fujian, CATL s’est imposée en une décennie comme le numéro un mondial des batteries lithium-ion destinées aux véhicules électriques. Fournisseur officiel de Tesla, BMW, Mercedes-Benz, Hyundai, Volkswagen ou encore Stellantis, l’entreprise détient plus de 37 % des parts du marché global avec 339,3 GWh de batteries installées en 2024, selon Tech in Asia.
Le groupe, déjà coté à Shenzhen, poursuit une stratégie d’expansion internationale tous azimuts. Il est notamment en train de construire une nouvelle usine géante en Hongrie d’une capacité annuelle de 100 GWh, soit l’équivalent énergétique pour plus de 1,3 million de véhicules électriques, et a officialisé en décembre un partenariat de 4,3 milliards d’euros avec Stellantis pour implanter une usine en Espagne d’ici à fin 2026.
CATL : une levée de fonds colossale et une stratégie ciblée
Pour sa cotation secondaire à Hong Kong, CATL propose 117,9 millions d’actions à un prix maximum de 263 dollars de Hong Kong l’unité, soit 33,80 dollars US, avec une option de surallocation ("greenshoe") pouvant porter l’opération à 5,3 milliards de dollars US. À titre de comparaison, cette valorisation dépasse celle de nombreuses introductions en Bourse chinoises récentes, malgré un contexte de ralentissement de la consommation intérieure.
L'entreprise a opté pour une offre de type "Reg S", restreignant la participation aux investisseurs non américains, ce qui exclut les investisseurs institutionnels basés sur le sol américain, comme les fonds communs de placement. Une décision loin d’être anodine.
Batteries : les investisseurs américains mis à l’écart
Derrière cette IPO, une toile de fond politique ne passe pas inaperçue. CATL figure depuis janvier 2025 sur la liste noire du Département de la Défense américain, qualifiée de « société liée à l’armée chinoise ». L’entreprise a fermement démenti toute implication militaire. « CATL nie être engagée dans toute activité liée à l’armée », a rapporté Times of India le 12 mai, relayant la réaction officielle du groupe.
La tension est montée d’un cran en avril 2025, lorsque le comité spécial du Congrès américain sur le Parti communiste chinois a exhorté JPMorgan et Bank of America à se retirer du montage financier de l’opération. En vain : les deux banques restent engagées, aux côtés de China International Capital Corporation et de China Securities International, rappelle SCMP.
Le choix de limiter l’accès aux investisseurs américains est donc interprété comme un coup d’évitement juridique, afin de réduire les risques d’éventuelles poursuites ou pressions politiques. Bloomberg a confirmé que les parts ne seraient pas accessibles aux entités américaines sur le territoire des États-Unis — une restriction qualifiée d’« inhabituelle pour une IPO de cette taille »
Une IPO pour doper l’expansion européenne de CATL
Malgré ces frictions politiques, l’objectif économique de l’introduction est clair : accélérer l’implantation de CATL en Europe. Selon le South China Morning Post, les fonds levés serviront principalement à financer le développement de l’usine hongroise, ainsi qu’à soutenir le fonds de roulement et d’autres dépenses opérationnelles.
Dans un contexte de guerre des prix féroce sur le marché chinois, où la demande de véhicules électriques commence à stagner, la croissance à l’étranger devient vitale. Les marges diminuent en Chine, les acteurs locaux se multiplient, et la rentabilité des nouveaux entrants est de plus en plus incertaine.
Mais CATL affiche une santé de fer : son bénéfice net a grimpé de 32,9 % au premier trimestre 2025, malgré une baisse de 9,7 % du chiffre d’affaires due à une diminution des prix des matières premières.
Introduction en Bourse de CATL : des conditions exceptionnelles
L’introduction a déjà convaincu 23 investisseurs de référence, dont Sinopec et le Kuwait Investment Authority, qui ont engagé ensemble 2,6 milliards de dollars de Hong Kong (soit environ 300 millions d’euros) dans l’opération. Autre signe fort : le prix de l’action proposé à Hong Kong n’affiche qu’un rabais de 1,5 % par rapport à la cotation à Shenzhen. Une exception dans un marché où les introductions offshore se font généralement avec une décote de 15 à 20 %.
Cette IPO pourrait marquer un tournant stratégique pour la place de Hong Kong, en perte de vitesse depuis le resserrement réglementaire chinois de 2020. Si elle se concrétise dans sa version étendue, elle propulserait les recettes de la Bourse de Hong Kong à leur plus haut niveau depuis quatre ans.
CATL n’est pas un cas isolé. De nombreuses entreprises cotées sur les marchés continentaux cherchent actuellement des cotations secondaires à Hong Kong pour contourner le risque de sanctions ou de radiation des marchés américains. Un basculement en faveur d’un capitalisme « sinocentré » ?