Fraude sociale : combien a-t-elle coûté à la France en 2024 ?

En 2024, la Caisse nationale des allocations familiales (CAF) a détecté 450 millions d’euros de fraude, soit une augmentation de 20% par rapport à l’année précédente. Ce bilan relance les débats sur l’efficacité des dispositifs de contrôle, mais aussi sur les priorités fiscales de l’État, qui vient d’annuler une amende fiscale très conséquente infligée au groupe de Vincent Bolloré.

Anton Kunin
By Anton Kunin Published on 5 mai 2025 8h00
Fraude sociale : combien a-t-elle coûté à la France en 2024 ?
Fraude sociale : combien a-t-elle coûté à la France en 2024 ? - © Economie Matin
3%3% des prestations versées par la CAF correspondent à des fraudes.

Fraude à la CAF : des chiffres record en 2024

Les 450 millions d’euros de fraudes détectées en 2024 par les caisses d’allocations familiales constituent un record absolu. Ce chiffre marque une hausse de 20% par rapport à 2023, un bond sans précédent depuis dix ans. Pour y parvenir, la CNAF a mené plus de 30 millions de contrôles croisés avec d’autres administrations, notamment France Travail, la Direction générale des finances publiques (DGFIP) ou encore l’URSSAF.

« Cela ne signifie pas que les allocataires fraudent plus qu’avant, mais que nous avons amélioré notre capacité de contrôle », se félicitait Nicolas Grivel, le directeur général de la CNAF, dans La Tribune Dimanche du 4 mai 2025. Toujours est-il que le volume de la fraude connaît un bond : « En un an, on a détecté 20% de fraude en plus », fait encore savoir Nicolas Grivel. Globalement, 3% des montants versés par les CAF correspondent à de la fraude, faisait-il savoir dans Le Figaro le même jour.

Typologie des fraudes : entre dissimulation individuelle et réseaux organisés

La majorité des cas recensés concerne des fraudes dites « traditionnelles », relevant d’omissions volontaires de déclarations : un conjoint dissimulé, des revenus minorés ou une adresse étrangère camouflée pour simuler une résidence en France. Mais une évolution notable inquiète les autorités. La CAF signale une « montée en puissance de la fraude organisée », impliquant des réseaux structurés, parfois à dimension transnationale. « Ces réseaux vont bien au-delà des seuls individus », alerte Nicolas Grivel, précisant qu’« ils utilisent parfois l’identité d’autres allocataires, font appel à des microentrepreneurs européens ou encore à des conseils rémunérés sur les réseaux sociaux pour maximiser les aides ».

Fraude sociale : combien a-t-elle coûté à la France en 2024 ?

Un arsenal de lutte en constante évolution

Face à l’ampleur du phénomène, l'État a renforcé son dispositif. Depuis janvier 2024, une pénalité forfaitaire de 10% s’ajoute à toute somme frauduleusement perçue. Un service national de lutte anti-fraude a été instauré, doté de 700 contrôleurs assermentés répartis dans toutes les caisses.

Pour affiner le ciblage des contrôles, la CAF recourt à un algorithme de datamining depuis 2011. Ce programme analyse les données de 13,8 millions de foyers pour identifier les profils à risque. Les agents, eux, conservent la main sur la décision finale, aucun droit n'étant suspendu sur base d’un calcul automatisé seul.

L'État a également investi dans la modernisation des systèmes d'information, avec une enveloppe d'un milliard d'euros sur cinq ans, pour étendre la période de recouvrement de deux à cinq ans en cas de fraude.

Mais pendant ce temps, un cadeau fiscal de 320 millions pour Vincent Bolloré

L’affaire aurait pu passer inaperçue sans la révélation du Canard Enchaîné. Il se trouve que Bercy a discrètement annulé une amende de 320 millions d’euros infligée au groupe Vivendi dans une affaire de redressement fiscal remontant à 2004. Le motif officiel évoqué n’est pas une fraude mais une « erreur délibérée » dans la qualification comptable des titres, permettant de réduire l’impôt futur de 800 millions d’euros. Le Conseil d'État, pourtant saisi, a estimé que Vivendi « maîtrisait parfaitement la législation fiscale ». Alors que la CAF déploie des moyens colossaux pour traquer la moindre anomalie, l’annulation silencieuse d’une amende majeure soulève une question dérangeante : l’État applique-t-il la même rigueur aux puissants qu’aux précaires ?

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

1 comment on «Fraude sociale : combien a-t-elle coûté à la France en 2024 ?»

  • Charles

    Bonjour Anton,
    Vous n’avez pas besoin de souligner car, comme votre texte est déjà un résumé de vos lectures, nous avons déjà peu à lire et ce texte nous permet de comprendre votre message. Merci de votre compréhension.

    Répondre
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