Le meeting patronal du Medef sera-t-il un flop magistral ?

Le Medef avait promis un rassemblement d’ampleur nationale le 13 octobre à l’Accor Arena. Mais à mesure que la date approche, l’événement s’annonce marqué par l’isolement du principal syndicat patronal, alors que la CPME, l’U2P et le SDI ont tous choisi de rester à l’écart, dénonçant une opération jugée déconnectée des réalités des entreprises et des salariés.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Last modified on 2 octobre 2025 5h57
Déficit : Le Medef veut réduire les retraites de tous les Français !
Déficit : Le Medef veut réduire les retraites de tous les Français ! - © Economie Matin
300 MILLIONS €La fortune de Patrick Martin est estimée à 300 millions d'euros.

Le Medef, première organisation du patronat français, a fixé au 13 octobre 2025 une grande mobilisation à l’Accor Arena de Paris, avec l’ambition d’afficher l’unité et la force du monde économique. Pourtant, derrière les slogans — « Faisons gagner la France » ou encore « Nous sommes les vrais insoumis » selon l’invitation relayée par TF1 Info (27 septembre 2025) — les fractures s’accumulent. L’U2P, la CPME et le Syndicat des Indépendants (SDI) ont refusé d’y prendre part.

Un meeting voulu par le Medef, boudé par ses alliés

Le président du Medef, Patrick Martin, a confirmé fin septembre l’organisation de ce meeting patronal, après un entretien à Matignon avec le Premier ministre. Selon Le Monde, il s’agissait d’un signal politique clair : montrer que les chefs d’entreprise, de la TPE au grand groupe, étaient capables de se mobiliser ensemble pour défendre leur vision de la croissance. L’appel officiel du Medef résonne comme un mot d’ordre : « Entrepreneurs, tous à l’Accor Arena le 13 octobre ! ». Le syndicat a même fixé les modalités pratiques : ouverture des portes à 12h30 et début du rassemblement à 14 heures.

Mais à peine lancé, le projet s’est heurté au refus des autres organisations patronales. L’U2P (Union des entreprises de proximité), qui revendique la représentation de 3,5 millions d’entreprises de l’artisanat et du commerce de proximité, a sèchement décliné. Son président Michel Picon a dénoncé sur RTL une démarche « en décalage complet » avec les besoins des petites structures. Il a ajouté : « Ayez un peu de décence », reprochant au Medef de contribuer à « l’instabilité politique » et même de mettre en place « une lutte des classes inversée ». Il accuse donc le Medef de s’attaquer... aux salariés, alors qu’ils sont celles et ceux qui font tourner les entreprises. Des mots durs qui marquent une rupture nette avec la ligne défendue par Patrick Martin.

La CPME a suivi le même chemin. Son président Amir Reza-Tofighi a déclaré au Parisien : « Non, nous n’irons pas à la mobilisation du Medef. Ce meeting n’a pas été préparé collectivement. (...) Le calendrier est mal choisi. » Une phrase qui illustre le sentiment de marginalisation ressenti par la confédération des PME, deuxième organisation patronale du pays. Si la CPME revendique la défense des entreprises familiales et industrielles, elle préfère aujourd’hui se concentrer sur le lobbying parlementaire, notamment sur la fiscalité et le pacte Dutreil, plutôt que sur une démonstration publique jugée trop politique.

Une fracture patronale claire : le Medef est seul

Le refus ne s’arrête pas là. Le Syndicat des Indépendants et des TPE (SDI) a également annoncé son absence. Dans un communiqué publié par Esteval, il souligne : « Si certains choisissent la voie du spectacle médiatique, le SDI privilégie la défense concrète et quotidienne des artisans, commerçants, indépendants et professions libérales. »

Cette cascade de refus intervient dans un climat de tensions croissantes autour du budget 2026. Selon 20 Minutes, de nombreux « petits patrons » reprochent au Medef de défendre avant tout « le monde de la finance », en décalage avec leurs préoccupations quotidiennes sur la fiscalité ou les charges. Là encore, l’accusation de déconnexion résonne fortement : loin de fédérer, le meeting du 13 octobre révèle un clivage entre les grandes entreprises représentées par le Medef et le tissu de PME et d’artisans qui compose la majorité du patronat.

Le choix de l’Accor Arena, avec ses 13 000 places, illustre la volonté d’un coup d’éclat médiatique. Mais il accentue aussi les critiques d’une organisation jugée trop éloignée des réalités de terrain. Pour ses opposants, le Medef transforme une mobilisation censée rassembler en un événement spectaculaire et qui envoie le mauvais signal : les patrons seraient opposés à la justice fiscale. La taxe Zucman, enterrée par le Premier ministre, crispe en effet toutes les tensions alors qu’elle ne concernerait que 1800 ménages en France, tous avec un patrimoine de plus de 100 millions d’euros. D'ailleurs, Patrick Martin, dont la fortune est estimée à 300 millions d'euros, devrait la payer... et il y est sans surprise fortement opposé.

Un isolement lourd de conséquences pour le Medef

Au fil des désistements, l’image du Medef s’érode. Le choix du slogan « Nous sommes les vrais insoumis » tentait d’incarner la contestation patronale tout en taclant La France Insoumise. Mais ce discours peine à convaincre, y compris au sein du patronat lui-même. Le refus successif de l’U2P, de la CPME et du SDI transforme ce qui devait être un rassemblement fédérateur en démonstration solitaire. Et potentiellement en un échec cuisant.

À dix jours du meeting, une certitude émerge : l’initiative voulue par le Medef n’a pas atteint son objectif d’unité. Elle symbolise au contraire son isolement croissant et une déconnexion assumée vis-à-vis des autres syndicats patronaux.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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