Ecotaxe, le retour ?

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Par Patrice Salini Modifié le 12 juillet 2017 à 14h54
Poids Lourds
958 millionsLors du démantèlement de l'écotaxe, l'État a dû verser une indemnisation de 958 millions d'euros à Ecomouv.

Le mot Ecotaxe n'est pas prononcé que les mêmes lignes, j'allais dire les mêmes postures, se font jour. Il y aurait un lobby routier contre, naturellement, (qui donc aime à payer des taxes ! ) et les autres, tous les autres, à commencer par les écolos qui seraient contre.

Le discours pro-écotaxe s'articule en deux arguments simples :

- Le transport routier ne supporterait pas ses coûts (infrastructure et effets externes) hors de routes à péages (autoroutes concédés, quelques tunnels et ponts) ;

- On manque cruellement d'argent pour financer des projets favorables à la transition écologique.

Reste ensuite la méthode de prélèvement de la taxe-péage : on a des portiques, à quoi bon faire autre chose.

Sauf que comme toujours les choses ne sont pas si simples.

- D'abord parce que ce discours sympathique sur la nécessaire couverture des coûts (complets ? marginaux ?, voire...) est loin d'être global. Pourquoi par exemple ne traiter que des routes anciennement nationales et quelques routes à grandes circulation ? La réponse est simple. Tout bonnement parce que le système choisi serait bien trop onéreux si on devait le généraliser à tous les chemins. Alors pourquoi le choisir... ? Pas de réponse. Pourquoi ne pas inclure les autres modes ? Tout bonnement aussi parce que - pratiquement - pour le fret, les péages ne sont pas suffisants, et ce pour aucun des modes. Aïe, là tout se brouille, donc on referme silencieusement le dossier.

- Ensuite, parce que la situation mériterait alors, sans doute, de s'interroger aussi sur le sort fait aux autres usages de la route, et donc aux taxes et péages supportés par les automobilistes, et donc, probablement à mettre en évidence de réels transferts. Pour le coup l'analyse risque de conduire à changer péages et taxes, et pas nécessairement dans le sens souhaité.

- Et puis, parce que l'idée ou l'idéologie de la « tarification de l'usage » - théoriquement vertueuse pour traiter des questions environnementales (pollueur-payeur), est aussi en contradiction avec les principes généraux de l'impôt et du service public. Il ne vient à l'idée de personne de tout dépéréquer et de tout transformer en prix. Et heureusement. Mais comment fixer la limite ?

- Enfin, faut-il oublier que les projets d'infrastructures cherchant actuellement des financements sont loin d'avoir toutes les vertus supposées, à commencer par Lyon Turin par exemple.

Tout ceci se joue donc sans qu'on pose, de manière globale les questions, mais en se contentant d'évoquer les arguments sans les approfondir, et ce, dans une période où, pour diverses raisons, le transport routier français est à la peine. Et je passe bien sûr, sur l'argument de l'écotaxe comme incitateur au transfert modal, tant elle est illusoire, tous les professionnels le savent. La question ferroviaire n'étant pas, pour l'essentiel, celle du prix de ses concurrents, mais de la pertinence globale de son offre.

A vrai dire, le propre des politiques des transports est de faire revivre, sans cesse, les même débats. Et celui-ci rebondit pratiquement depuis les années 1930. Un régal.

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Patrice Salini est économiste des transports, dynamicien des systèmes, consultant en transport et ancien professeur associé à l’Université Paris 4 Sorbonne. Il est l'auteur de « Le renouveau du fret ferroviaire en France, maintenant ou jamais ! », « 150 ans de politique des transports terrestres de marchandises », « Comprendre la Corse » et « L’économie systémique, Introduction à la dynamique des systèmes ».

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