Alexandre de Juniac, PDG d’Air France-KLM : prêt à remettre en cause le droit de grève ?

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Par Pierre-Yves Bruant Modifié le 23 mars 2015 à 11h46
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15,7%Air France est détenue à 15,7% par l'Etat français.

Les 3 membres du comité de nomination d’Air France-KLM souhaitent voir Alexandre de Juniac, PDG de la compagnie, reconduit dans ses fonctions. Une décision qui n’enchante pas les salariés de l’entreprise. Entre boycott des syndicats, rumeur de nouveaux plans sociaux et déclarations polémiques du PDG concernant les acquis sociaux, Air France est sujet à de fortes turbulences.

Vendredi 20 mars, les trois membres du comité de nomination d’Air France-KLM, Cornelis Van Lede, Jean-François Dehecq et Jean-Dominique Comolli, ont proposé la reconduction d’Alexandre de Juniac à son poste de PDG lors du conseil d’administration de la compagnie. Une annonce qui intervient à peine quelques jours après la publication par Mediapart d’entretiens filmés dans lesquels Alexandre de Juniac expose une vision polémique des acquis sociaux, allant jusqu’à remettre en question le droit de grève et l’interdiction de travail des enfants.

Un entretien polémique

Chaque année, des entretiens à huis clos sont organisés à Royaumont afin « de donner l’opportunité aux hommes et aux femmes du monde politique, économique, culturel… de débattre, en toute liberté de parole » sur des sujets variés. Les 6 et 7 décembre derniers, Alexandre de Juniac est intervenu sur le thème « les acquis sociaux face aux enjeux de la mondialisation ». Un sujet complexe pour lequel le PDG d’Air France-KLM ne s’est infligé aucune autocensure. « La durée du temps de travail, qui paraît-il est un acquis social, qu’est que cela veut dire pour un ingénieur qui a une tablette et smartphone et qui travaille chez lui ? », a-t-il déclaré avant de demander si « cela a un sens de fixer l’âge de la retraite ». Après les 35 heures et l’âge légal de départ à la retraite, Alexandre de Juniac monte en puissance à mesure que son discours avance.

« Je me suis penché sur l’évolution du travail des enfants. On a d’abord interdit aux enfants de moins de huit ans de travailler, puis l’interdiction a été portée à douze ans, puis à seize. (…) Qu’est-ce qu’un enfant ? Est-ce qu’il faut les faire travailler, pas travailler ? Pas sûr ». Il se fend finalement d’une anecdote sur la grève record des pilotes de septembre dernier, «  comme le disait mon homologue de Qatar Airways hier à propos de la grève, ‘M. de Juniac, chez nous, ce ne serait pas possible, on les aurait tous envoyés en prison’ », raconte-t-il sous les applaudissements de l’assistance.

Que ces paroles sortent de la bouche du PDG d’une entreprise détenue à 15,9 % par l’Etat français, voilà qui est préoccupant et qui explique probablement pourquoi les syndicats refusent aujourd’hui de négocier avec lui. Convoqués à une réunion stratégique le 16 mars, les 10 syndicats de la compagnie aérienne ont en effet décidé à l’unanimité de ne pas y assister, expliquant que « les multiples déclarations d’Alexandre de Juniac, PDG de Air France-KLM, compromettaient le dialogue social au sein de la compagnie ». Décisions stratégiques coûteuses et réductions d’effectifs, les employés d’Air France dénoncent un bilan « catastrophique » de leur PDG.

Plus de 8000 licenciements en trois ans

Alexandre de Juniac est nommé Président Directeur Général d’Air France en novembre 2011. Six mois plus tard, les effectifs de l’entreprise se retrouvent tronqués de 5212 salariés. En juillet 2013, il élargit ses fonctions de PDG au groupe Air France-KLM. Après seulement quelques semaines, la compagnie aérienne supprimera 2800 postes. Aujourd’hui, alors qu’il devrait bientôt être reconduit, un nouveau plan de suppressions de postes portant sur environ 5000 emplois serait envisagé. Pour Alexandre de Juniac, il n’y a pas d’autres solutions, le groupe va mal et il faut réduire les coûts. Les employés de leur côté ont du mal à comprendre pourquoi ils devraient pâtir des opérations financières maladroites de leur direction. Alexandre de Juniac a en effet à son actif quelques erreurs de jugement dont les caisses de l’entreprise se seraient bien passées.

En 2012, il décide de développer les bases de Toulouse et de Nice, avec 20 % d’offres sur Toulouse dont 14 nouvelles liaisons au départ la « ville rose » et 4 nouvelles liaisons au départ de Nice. Au total, alors que les pertes pour la compagnie, qui étaient de 150 millions d’euros par an, devaient être réduites à 80 millions d’euros, elles ont finalement presque doublé. La plupart des lignes long courrier développées à l’arrivée d’Alexandre de Juniac ne se sont pas non plus révélées bénéficiaires et sont aujourd’hui en phase d’abandon. Sa décision d’investir 500 000 euros dans la classe Première est finalement elle aussi difficilement compréhensible alors que la filière n’est pas rentable pour la compagnie. En parallèle, pendant qu’Alexandre de Juniac dit ne pouvoir agir que sur le coût du travail pour remettre la compagnie à flot, plus de 18 millions d’euros ont été utilisés pour l’aménagement en open space des bureaux de la holding de la compagnie.

Le secteur aérien est en pleine mutation certes, mais n’est-il pas un peu facile de mettre sur le dos de l’émergence du marché low cost toutes les difficultés financières d’Air France ? Est-ce de nouveau aux salariés de payer pour des erreurs qu’ils n’ont pas commises ? La question se pose.

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Jeune retraité, Pierre-Yves Bruant a officié la majeure partie de sa carrière comme responsable du développement à l'international de sociétés françaises, principalement dans le secteur de l'énergie et des transports. En charge de la mise sur pied de stratégies efficaces, et donc en prise avec le terrain, ses responsabilités professionnelles l'ont amené à se déplacer régulièrement à l'étranger, plus particulièrement en Afrique, continent qui le fascine.   Pierre-Yves Bruant partage son temps entre ses activités caritatives diverses, ses voyages et ses petits-enfants. Quand l'occasion se présente, il prend également la plume pour Economie Matin, avec un sujet de prédilection : dénoncer les plans sociaux à tire-larigot qui frappent les forces vives de notre pays. Rien ne l'agace tant que la façon dont les grands dirigeants se défaussent de leurs responsabilités en utilisant leur masse salariale comme fusible, et il tient à le faire savoir !

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