Rénovation énergétique, nouveaux impôts. Allons-nous vers le « tout Etat » ?

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Par Alain Desert Publié le 1 octobre 2013 à 2h25

Le gouvernement nous annonce un plan de rénovation énergétique dans le secteur des logements individuels. Un plan qui repose sur des dispositifs fiscaux incitatifs et très avantageux, avec probablement une certaine complexité à la clé, désormais la norme lorsqu'il s'agit de mettre en place des aides ciblées à l'adresse de certaines catégories de ménages.

Ce n'est pas tant ce nouveau plan qui sera mis en relief dans cet article, mais plutôt la question de savoir s'il y a vraiment une cohérence entre d'une part tous les plans d'aide en vigueur et en projet, et d'autre part la politique fiscale marquée actuellement par une avalanche de nouveaux impôts, nouvelles taxes, nouveaux prélèvements, nouveaux taux, nouvelles assiettes, etc... Sommes-nous en train de dériver vers une économie entièrement administrée, avec un état qui devient tout-puissant, omniprésent, omnipotent ?

Pourquoi cette aide ?

Après bien entendu quelques cafouillages, couacs, contradictions, il a été décidé que tous les travaux de rénovation énergétique et pas uniquement les travaux d'isolation thermique seront concernés et ouvriront droit à la TVA réduite à 5%.
L'habitat constitue aujourd'hui un vrai problème en termes de coût énergétique. Avec la progression inévitable des prix de l'énergie, il est devenu essentiel d'inciter les foyers à effectuer des travaux qui seront non seulement bénéfiques pour eux-mêmes en termes de confort et de dépenses, mais également pour la politique énergétique du futur qui dépendra largement de notre capacité à réaliser des économies d'énergie.

Les aides en général

Comme je l'ai dit en début d'article, la question est de savoir si les aides prises au sens global s'inscrivent vraiment dans une politique axée sur l'efficacité et la cohérence. On sait que les gouvernements quel que soit la couleur adorent les dispositifs en tout genre ayant pour but d'orienter les ménages vers des choix, des directions, qu'ils n'auraient peut-être pas pris si les aides en question n'avaient pas existé. On peut classer les dispositifs en 2 catégories : ceux à caractère incitatif (avec des aides basées sur des subventions, des crédits d'impôts, des réductions fiscales, des bonus, etc..) et les autres plutôt de nature dissuasive (basées sur la taxation, l'imposition, le malus, etc...).

Un point délicat, difficile à maîtriser lorsqu'il s'agit de mettre en œuvre un dispositif d'aides, est l'effet d'aubaine. Les professionnels indirectement concernés n'hésitent pas à gonfler légèrement les factures pour ensuite déployer leur génie commercial en persuadant les clients un peu crédules qu'ils feront une véritable affaire après application des généreuses déductions fiscales. En général, un climat opportuniste s'installe et des effets pervers apparaissent tendant à distordre le dispositif et à en amoindrir les résultats escomptés.

Des impôts pour financer les aides...

En évoquant plus généralement le système des aides gouvernementales, une question vient rapidement à l'esprit dans un contexte économique particulièrement sensible où les grands équilibres macro-économiques sont menacés: comment l'état peut-il encore être aussi généreux avec un déficit budgétaire qui atteindra cette année plus de 80 milliards d'euros (supérieur à 4% du PIB) ? Cette année encore la France ne tiendra pas ses engagements vis-à-vis de Bruxelles, et se trouve prise en défaut par rapport à une trajectoire annoncée devant conduire à l'équilibre.

Pour financer les aides de toute nature (ménages et entreprises), il est bien évident que l'état doit jouer sur le levier fiscal, le plus simple à manœuvrer. Pourquoi ne pas utiliser d'autres formules ? Les nouvelles aides, si elles sont réellement justifiées, pourraient à mon sens être financées par une contrepartie incluant la suppression de celles jugées inefficaces et trop coûteuses . Seulement voilà, dès que l'état veut supprimer une aide à l'investissement, les chiens qui la protègent sortent du chenil et aboient, car une micro-économie opportuniste s'est développée tout autour.

Une autre question majeure pourrait être posée : est-il en théorie possible de supprimer significativement le nombre et le montant des aides en allégeant en parallèle et pour un montant équivalent la pression fiscale ?

Réduire significativement cette pression, ce serait redonner du pouvoir d'achet aux ménages et des nouvelles marges aux entreprises. Ce ballon d'oxygène pourrait alors permettre aux agents économiques de réaliser sans intervention de l'état, les travaux dont il est question ou autres investissements et dépenses de leur choix. En disant cela, ce n'est pas quelques centaines d'euros de pouvoir d'achat en plus, mais bien plusieurs milliers d'euros vu les montants en jeu.

Quelques chiffres : 100 milliards d'euros de dépenses en moins, soit 9% des dépenses totales de l'état (tout confondu), c'est environ 2800 euros de gain par foyer ! C'est 5% de PIB. Le niveau des dépenses qui se situe aujourd'hui à près de 57% du PIB n'était au début des années 2000 que de 52% environ. Il ne me paraît donc pas irréaliste d'essayer de rendre une telle somme aux ménages.

Le problème resterait l'incitation. Comment orienter les dépenses ? Comment convaincre les foyers d'investir dans l'isolation thermique si le retour sur investissement est à horizon de 10 ou 15 ans, ce qui est souvent le cas. Les ménages se diraient alors que le délai est bien trop long au regard par exemple du risque lié à un déménagement dans la période. C'est bien par rapport à toutes ces questions qu'une aide peut ou non se justifier.

Sur l'ensemble des dispositifs en place, il est manifeste que beaucoup d'entre eux sont inefficaces, coûteux, mal ciblés et générateur d'effets d'aubaine. Rares sont les évaluations sur leurs réelles efficacités. Se comptant par milliers, qui est capable d'en assurer la bonne gestion, le contrôle, les ajustements, la fin de vie ?

La rénovation énergétique : une aide un peu particulière

Retour sur la rénovation énergétique. Est-il judicieux de vouloir inciter et aider les ménages à isoler leurs maisons et appartements ? J'aurais envie en première approche de dire « oui » si le dispositif revêt les caractéristiques déjà évoquées. Mais avant de se prononcer définitivement, attendons que les mesures soient fixées et que les premières évaluations soient rendues publiques.

On est face à une problématique un peu particulière qui peut vraiment se démarquer du reste, car elle concerne un domaine stratégique, l'énergie, et affecte directement notre modèle de production énergétique de demain. Ce serait un des moyens pour réduire la part du nucléaire en l'amenant progressivement à 50% de la production d'électricité. Si la rénovation énergétique est un succès sans pour autant peser trop lourdement sur les finances publiques, on peut compter sur de substantielles économies qui participeront à la réduction de notre balance commerciale largement déficitaire. Pour mémoire, le déficit du commerce extérieur se situe autour de 70 milliards d'euros et la facture énergétique de la France s'élève à 60 milliards d'euros environ. Une économie de 1/3 de nos importations d'énergie toute nature confondue est tout à fait notre portée.

Allons-nous vers le tout-Etat ?

Aujourd'hui les principaux pays européens sont surendettés et vivent sous étreinte budgétaire face à un impératif de désendettement. Ces pays doivent redimensionner le rôle de l'état par une politique de réduction des dépenses et de réformes structurelles laissées de côté pendant des décennies. La France a raté le train des réformes ; durant le quinquennat précédent et depuis l'alternance, les politiciens nous présentent davantage des réformettes, des ajustements techniques, mais en aucun cas de vraies réformes de structures tournées vers l'avenir, en assurant un développement en accord avec l'évolution de la société. A la place, ce sont des micros-mesures qui se positionnent en tête d'affiche, basées essentiellement sur l'impôt et la taxation. La classe politique française dérive vers un certain étatisme par l'expansion de son champ d'intervention, un excès de réglementations, d'encadrements, de taxes, de dépenses publiques. L'état qui dirige, administre, contrôle, oriente, n'est-il pas par ces excès en train de provoquer une forme de sclérose dans le système productif, conduisant à l'essoufflement économique que connaît la France aujourd'hui ?

Les mécanismes fiscaux et la législation en vigueur, pour ne parler que d'eux, sont devenus tellement complexes, pléthoriques, que la machine s'enraye et plus personne n'est en capacité de procéder aux vrais choix simplificateurs. Le gouvernement n'a-t-il pas parlé de 'choc de simplification' ? Avec l'obésité de nos codes du travail et de la consommation, la prolifération de textes législatifs, on imagine l'ampleur de la tâche. Les parlementaires pourraient se voir attribuer un nouveau rôle : 'dé-légiférer', autrement dit supprimer et faire évoluer toutes ces lois devenues inutiles, vieillottes, inadaptées à un monde nouveau et sans cesse en mouvement. Evidemment, cela paraît complètement utopique, car surtout, ne rien bousculer au nom du futur ! Et que deviendraient nos ministres et nos députés si la régulation de nos processus économiques se faisait autrement que par la complexité, la superproduction textuelle, par de nouveaux dispositifs ou de nouvelles lois qui porteront leur nom ; ces lois éponymes que tout le monde retient (loi Duflot, dispositif Scellier, loi De Robien, loi Hamon, etc...).

Ronald Reagan définissait en ces termes la philosophie économique de ses adversaires: « tout ce qui bouge, on le taxe ; ce qui bouge encore, on le réglemente ; ce qui ne bouge plus, on le subventionne ». Est-ce cela la nouvelle devise de nos gouvernants ?

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Ingénieur en informatique, Alain Desert a longtemps travaillé sur des plates-formes grands systèmes IBM où il a eu l'occasion de faire de nombreuses études de performances. Il est un adepte de l'approche systémique.

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